Indexation

Arthur Perret (Université Jean Moulin Lyon 3)

🚧 Page en construction — Dernière mise à jour : 25/03/2024

Cette page porte sur l’indexation « livresque », celle qui produit ce que les anglophones appellent un “back-of-the-book” index (un index de fin de livre) : une liste alphabétique pouvant contenir des termes et des noms, avec des renvois aux passages concernés. Ce type d’index est un outil formidable pour le lecteur, aussi important que la table des matières ou la liste des références bibliographiques. Indexer mobilise des savoir-faire essentiels tels que l’analyse, la hiérarchisation de l’information et la synthèse. Ces savoir-faire ne concernent pas seulement la publication des livres : ils sont également transférables à la publication web.

Introduction

Si on se fie à Wikipédia, les mots « index » et « indexation » sont utilisés dans des sens différents suivant qu’on utilise ou pas un vocabulaire contrôlé et suivant le contexte documentaire concerné (publication, catalogue, moteur de recherche…). Wikipédia associe notamment l’expression « indexation matière » (en anglais subject indexing) aux vocabulaires contrôlés et aux index bibliographiques dans le contexte des bibliothèques ainsi que du Web ; la production d’un index interne à une publication est plutôt associée à l’expression « index terminologique » (la page en anglais est titrée « Index (publishing) »).

En réalité cette distinction n’a pas grand sens et illustre bien le flou regrettable dans lequel se situe ce domaine de l’organisation des connaissances dans l’espace francophone aujourd’hui. L’art de créer un index est né en France. Pourtant, notre pays semble l’avoir totalement oublié. Les manuels d’indexation en français sont très rares ; on peut citer notamment celui de Jacques et Dominique Maniez (2009). Susan Kovacs en a fait une recension dans laquelle elle écrit ceci :

« Un préjugé culturel en Europe serait, semble-t-il, à l’origine d’une attitude défavorable ou indifférente à l’index de fin de livre, de la part des éditeurs et des lecteurs, alors qu’une solide tradition anglo-saxonne de création d’index est attestée par une codification rigoureuse de la pratique ainsi que par une légitimation institutionnelle […] Les auteurs [Jacques et Dominique Maniez], face à la rareté et la qualité souvent moyenne des index de livre en France aujourd’hui, cherchent à convaincre leurs lecteurs de l’utilité de cet outil de navigation insuffisamment valorisé en proposant une démarche raisonnée et méthodique pour constituer un index qui permettrait de renouer avec une tradition perdue » (Kovacs 2011).

Cette page s’inscrit exactement dans cet effort. Comme pour mes autres pages « Cours », l’objectif est de constituer progressivement ici une ressource pédagogique qui sera actualisée périodiquement, sans changer d’URL.

1 Qu’est-ce qu’un index ?

Cette page est dédiée à l’indexation analytique dans le cadre de la publication. Ce type d’indexation produit un index au sens « livresque » : un index qu’on trouve à la fin d’un livre par exemple.

Entendu ainsi, un index peut être défini simplement comme un outil de navigation interne au document. Il joue un rôle similaire à celui de la table des matières, mais à un niveau de granularité beaucoup plus fin. C’est une liste alphabétique qui peut contenir des termes et des noms propres, avec des renvois vers les pages dans lesquelles on peut trouver les occurrences de ces termes ou bien du contenu qui s’y rapporte.

Exemple d’index qui mélange termes et noms propres. Il s’agit du début de l’index de ma thèse ; l’index complet fait environ 14 pages. Les renvois correspondent aux numéros de page de la version PDF.

Mulvany (2005, p. 8) définit un index comme une liste structurée de points d’accès à l’information contenue dans un texte, résultant d’une analyse rigoureuse et approfondie : indexer signifie analyser le texte et reformuler son contenu pour donner des points d’accès au lecteur.

La longueur de l’index dépend de la complexité et de la densité du texte à indexer. Dans le cas d’une publication scientifique, un index peut ainsi facilement occuper plus d’une dizaine de pages. Les indexeurs professionnels parlent d’un « index n% », où le pourcentage correspond au volume de l’index rapporté au volume du texte indexé ; à titre d’exemple, j’ai fait pour ma thèse un index 5% (14 pages d’index pour environ 280 pages de texte).

2 Différence entre index et concordance

Un index n’est pas une concordance, c’est-à-dire une liste de termes apparaissant tel quels dans le texte et dont toutes les occurrences sont comptées. Certaines publications contiennent un « index » qui est en fait une concordance, comme dans l’exemple ci-dessous :

Exemple d’index qui se rapproche plutôt d’une concordance. Contrairement à l’image précédente, ici ce n’est pas un extrait mais l’intégralité de l’index qui est montré, de A à Z. J’ai masqué les termes pour éviter qu’on identifie le document d’origine mais il s’agit d’un cas représentatif des thèses francophones que j’ai pu consulter.

On peut produire une concordance de manière automatique en un clic dans un logiciel de traitement de texte. Mais c’est un outil de navigation médiocre, car on se retrouve facilement face à des entrées avec des dizaines d’occurrences, ce qui n’aide pas du tout à localiser rapidement un contenu précis.

3 Structure d’un index

Un index est un outil hypertextuel, non seulement parce qu’il permet une lecture multilinéaire mais aussi parce qu’il a une structure très spécifique. D’abord, les entrées les plus volumineuses sont divisées en différentes sous-entrées. Et ensuite, un index comporte des renvois internes, qu’on repère par les expressions voir, voir aussi.

Exemple de sous-entrées et de renvois.

Les renvois permettent de multiplier les points d’accès vers une même information ; ils réduisent aussi l’ambiguïté entre termes homographes. Avec voir, on redirige le lecteur depuis une expression à laquelle il pense peut-être spontanément vers une expression plus conforme au texte indexé, ou issue d’un vocabulaire contrôlé. Avec voir aussi, on incite le lecteur à aller consulter une autre entrée pertinente.

Cette structure à la fois arborescente (entrées, sous-entrées) et réticulaire (renvois) permet d’optimiser la recherche d’information. Elle ne peut pas être créée automatiquement par une machine : il s’agit d’anticiper les parcours de lecture possibles pour multiplier les points d’accès vers une même information. Par exemple, on peut décider qu’un passage sera indexé sous « théorie des graphes » mais aussi sous « graphes, théorie des », car certains lecteurs iront spontanément à T, d’autres à G ; le renvoi permet de s’assurer que l’information est vue par tous.

Le choix des termes, la manière de les regrouper, de les diviser ou de les interrelier constitue tout l’art de l’indexation.

4 Fonctions et utilité de l’indexation

Pour Mulvany (2005), les grandes fonctions de l’indexation sont les suivantes :

  1. évaluer l’information pertinente ;
  2. identifier et analyser les concepts présents dans le texte ;
  3. restituer la terminologie, le vocabulaire de l’auteur ;
  4. synthétiser et structurer l’information.

Le résultat du processus – l’index – est un outil extrêmement précieux. Un livre ou un mémoire de thèse bien indexé aura l’utilité d’une base de données, qu’on reviendra consulter régulièrement.

Dans un contexte éditorial classique, l’option privilégiée est de faire appel à un indexeur professionnel. Dans un contexte de formation (comme le doctorat), il peut être intéressant de relever le défi soi-même : indexer constitue un exercice d’analyse et de synthèse très puissant, qui renforce la maîtrise qu’on a de notre sujet, et qui développe la capacité à en faire la médiation.

Glossaire

Liens utiles

Bibliographie

DUNCAN, Dennis, 2022. Index, a history of the: a bookish adventure from medieval manuscripts to the digital age. New York : W.W. Norton & Company. ISBN 978-1-324-00254-3.
KOVACS, Susan, 2011. Jacques Maniez et Dominique Maniez : Concevoir l’index d’un livre : histoire, actualité, perspectives. In : Études de communication. langages, information, médiations [en ligne]. 2011. n° 36, pp. 179‑182. Disponible à l'adresse : https://journals.openedition.org/edc/2646.
MANIEZ, Jacques et MANIEZ, Dominique, 2009. Concevoir l’index d’un livre: histoire, actualité, perspectives. Paris : ADBS éditions. ISBN 978-2-84365-099-4.
MULVANY, Nancy C, 2005. Indexing books. 2. Chicago : University of Chicago Press. ISBN 978-0-226-55276-7.