L’auto-bibliographie tranquille : HAL, ORCID, Zotero

2023-11-21

Je présente ici une méthode pour faire la bibliographie de ses propres travaux. L’idée est de faire d’une pierre plusieurs coups : garder la trace de ses publications, les valoriser, pouvoir générer des listes de publications quand on en a besoin (pour un CV par exemple). Le tout en saisissant les données une seule fois.

Cette méthode est très simple : elle consiste à créer des notices bibliographiques dans HAL (en y joignant le texte intégral chaque fois que possible), puis à réutiliser ces notices en les important dans d’autres outils. Ici j’ai pris l’exemple du profil ORCID (sorte d’équivalent international du profil HAL) et du gestionnaire de références Zotero (pour générer des listes de publications) mais on pourrait tout à fait imaginer d’autres outils en remplacement ou en complément – du moment que l’esprit de la méthode reste le suivant : effort minimum, bénéfice maximum !

À gauche, la partie manuelle du processus : créer des notices dans HAL. À droite, la partie automatique (au sens où elle se fait machinalement en cliquant sur quelques boutons) : republier les données sur son profil ORCID ; récupérer les données dans Zotero pour pouvoir exporter des listes de publication.

C’est un peu comme ma méthode pour collaborer entre Markdown et traitement de texte : rien d’extraordinaire, en gros je me contente de souligner la possibilité d’utiliser une série d’outils dans un certain ordre pour gagner du temps dans son travail. Mais le fait de le formaliser peut rendre service à des gens qui n’y avaient pas pensé.

Ce billet s’adresse autant aux personnes qui connaissent déjà HAL, ORCID et Zotero qu’à celles qui ne connaissent pas ces outils. Pour ces dernières, j’ai inclus des liens vers des tutoriels qui permettent de réaliser chaque étape pas à pas.

Merci à Nathalie Rougier-Caron du SCD de La Rochelle Université, qui m’a permis d’améliorer cette proposition en testant les différentes étapes et en me signalant les points de difficulté.

Oui mais pour quoi faire ?

Quand j’ai utilisé l’expression « auto-bibliographie » pour la première fois, début 2023, c’était un peu pour rire. Je venais de finir de relire tous mes billets de blog (quelle idée…) et j’en avais tiré une sorte de guide de lecture : une liste de mes billets, ordonnée par date de publication, avec un petit commentaire sous chaque lien. Il fallait que je trouve un titre ; j’ai mis « auto-bibliographie annotée ». L’expression me faisait marrer. J’ai publié le billet et je suis passé à autre chose.

Récemment, j’ai mis à jour mon CV. C’est là que j’ai repensé à « auto-bibliographie ». Fini de rire : là, l’enjeu c’est l’évaluation, les demandes de financements, les primes, la carrière… Faire la bibliographie de ma production scientifique n’est pas une petite lubie sympathique qui me prendra une fois tous les cinq ans mais une routine administrative, comme la mise à jour du CV (qu’elle vient d’ailleurs alimenter). Et comme n’importe quel type de bibliographie, l’auto-bibliographie peut vite devenir fastidieuse et chronophage – ou, à l’inverse, rapide et efficace. C’est mieux quand c’est rapide et efficace. Alors voici une façon de faire ça rapidement et efficacement.

Au préalable

Comme pour beaucoup d’outils ou techniques que je recommande, il y a un temps de mise en place, et le gain de temps vient une fois que la mise en place est faite. Ici, au préalable j’ai créé un compte HAL et un compte ORCID que j’ai pris le temps de paramétrer a minima. Concrètement, il s’agit de donner une adresse email (idéalement, professionnelle), puis de renseigner quelques métadonnées (nom, affiliation…). Rien de compliqué et ça ne prend que quelques minutes. J’ai aussi téléchargé Zotero. Pour ce dernier, la création de compte est facultative mais très utile.

Besoin d’aide ?

Premier ingrédient : HAL

Le logo de HAL, qui contient l'expression science ouverte.Le logo de HAL, qui contient l'expression science ouverte. HAL est une base de données bibliographique et une archive ouverte de la production scientifique francophone. Depuis la Loi pour une République Numérique (2016), l’incitation à déposer ses travaux dans HAL est devenue de plus en plus forte, car la plateforme est utilisée comme source de données bibliométriques, notamment pour l’évaluation des laboratoires.

Dans mon processus auto-bibliographique, j’utilise HAL en première étape, comme interface de saisie. Pour chacune de mes publications, je crée un dépôt dans HAL, ce qui consiste à saisir des métadonnées bibliographiques (titre, auteur, affiliation, publication…). J’inclus le texte intégral : la version éditeur si j’en ai le droit, sinon ma version auteur.

J’ai souvent entendu des gens pester contre le formulaire de saisie de HAL mais il a été bien amélioré au fil des ans. Pour une communication dans un congrès par exemple, il n’y a que quatre ou cinq informations à remplir, et certaines peuvent être pré-remplies (comme l’affiliation) en renseignant au préalable son profil HAL. Même si on fait son auto-bibliographie une seule fois par an, ça va vite : quand on enchaîne plusieurs dépôts, on remplit chaque formulaire plus vite que le précédent ; autant dire que c’est vite expédié.

Cette première étape me permet de documenter publiquement ma production, avec la garantie d’avoir le contrôle sur la qualité des métadonnées qui décrivent chaque publication, et la possibilité de donner accès à mes travaux. Chaque publication est reliée à mon idHAL arthur-perret, un identifiant auteur unique qui évite toute ambiguïté entre « Arthur Perret », « Perret, A. » et autres graphies possibles. Et chaque publication apparaît sur mon CV HAL, une page publique qui liste tous les travaux pour lesquels j’ai créé un dépôt.

Deuxième ingrédient : ORCID

Logo de l'identifiant ORCID : le mot id sur fond vert. ORCID est un organisme auprès duquel les chercheurs peuvent demander un identifiant pérenne en tant qu’auteurs. Ces identifiants ORCID remplissent le même rôle que les identifiants idHALOu que les identifiants VIAF et ISNI, sauf que ceux-là ne peuvent pas être créés par les auteurs eux-mêmes : ils sont gérés par des documentalistes.
 : ils permettent de relier sans ambiguïté les auteurs à leurs productions, indépendamment des homonymes, des graphies, des changements de nom, etc. Comme pour le compte HAL, le compte ORCID a un versant public qui affiche toutes les publications que l’auteur aura pris le temps de renseigner.

Je ne saisis rien manuellement dans mon profil ORCID. À la place, dans mon compte HAL, j’ai renseigné mon identifiant ORCID. Ceci me permet ensuite d’envoyer sur mon profil ORCID tous les dépôts effectués dans HAL. La fonctionnalité est très simple : je clique sur « Envoyer à ORCID », je coche les dépôts que je veux envoyer (HAL m’indique gentiment ceux qui sont déjà là-bas) et je valide.

J’utilise ce transfert HAL → ORCID en deuxième étape de mon processus. En ayant saisi les données une seule fois, ceci me permet de réutiliser mon auto-bibliographie sur un portail international majeur, lequel est moissonné par tout un tas d’autres services et bases de données. Le tout en trois clics ! Ce serait dommage de ne pas en profiter.

Troisième ingrédient : Zotero

Logo de Zotero : lettre Z rouge sur fond gris. Zotero est un logiciel de gestion de données bibliographiques. Il permet de collecter des références et de générer automatiquement des citations ainsi que des bibliographies dans n’importe quelle norme. Il existe d’autres logiciels de ce type mais c’est Zotero que je préfère.

J’utilise Zotero en troisième étape de mon processus. Ici, il y a quelques sous-étapes mais rien de bien fatigant :

Si je dois faire une liste de publications classée par type (articles de revue, articles de congrès, etc.), il suffit de trier l’affichage des références dans Zotero par type et répéter le processus de sélection puis d’export autant de fois que nécessaire.

Dans la première version de ce billet, je conseillais d’utiliser la collection spéciale « Mes publications ». Mais cela pose plus de problèmes qu’autre chose : on ne peut pas y ajouter de références via le connecteur Zotero, ni l’utiliser pour créer automatiquement une bibliographie. Cette collection a pour seul intérêt de pouvoir être publiée automatiquement sur son profil sur zotero.org, ce qui est redondant avec le CV HAL et l’ORCID. Mieux vaut donc utiliser une collection classique.

ExtrHAL

Un petit mot sur ExtrHAL, un outil en ligne hébergé par l’université de Rennes qui permet de générer des bibliographies à partir des données présentes dans HAL. On peut notamment l’utiliser à échelle individuelle comme outil d’auto-bibliographie. C’est un formulaire dans lequel on renseigne son idHAL, puis on choisit les types de publications à afficher. L’outil moissonne HAL, puis affiche automatiquement le résultat dans la page.

ExtrHAL m’a paru assez simple à prendre en main. Surtout, il propose pas mal d’options de mise en forme : numéroter les références, mettre certains éléments en gras, et même composer son propre style bibliographique – une fonctionnalité expérimentale, limitée aux articles de revue, mais intéressante et plus facile à utiliser que l’éditeur visuel CSL. Ceci permet de générer des bilans bibliographiques prêts à l’emploi. La possibilité de personnaliser l’apparence des références – notamment de mettre en évidence certains éléments pour accroître la lisibilité de l’ensemble – est intéressante dans la perspective d’un dossier administratif par exemple. Évidemment, on s’approche ici du terrain de la gestion. D’ailleurs, ExtrHAL a servi de base à l’outil qu’utilise le HCERES pour faire des bilans de l’activité de publication des unités de recherche.

Quelques remarques

Mon appréciation pour HAL (et le CCSD, l’équipe qui est derrière) grandit au fil des ans. Dans un paysage universitaire de plus en plus sujet à la « gestionnarisation », c’est-à-dire au retournement des priorités entre gestion et activité géréeRobert, « Critique de la logique de la « gestionnarisation ». Au miroir du cas des universités », 2014.
, il faut saluer le fait que HAL soit d’abord et avant tout une base de données bibliographiques et une archive, et pas un outil de pilotage dans lequel il faudrait s’insérer en se contorsionnant. Ce que je veux dire, c’est que HAL est une plateforme documentaire utilisée comme source d’information pour des processus de gestion (notamment l’évaluation) et pas l’inverse. Le cœur du travail reste l’auto-bibliographie et l’auto-archivage.

La connexion HAL → ORCID, elle, illustre le travail phénoménal – toujours perfectible mais rarement apprécié à sa juste valeur – qu’accomplissent les documentalistes du monde entier depuis des décennies pour faire advenir ne serait-ce qu’en partie la vision d’un Paul Otlet : un réseau mondial de la documentation, œuvre nécessaire, laborieuse, précieuseSi la figure d’Otlet vous intéresse, je parle pas mal de lui au début de ma thèse. Vous pouvez feuilleter l’ouvrage majeur d’Otlet, Traité de documentation, 2021 [1934], récemment réédité en version numérique multiformats (et notamment un fac-similé en PDF dont le texte est intégralement cherchable).
. Au passage, la facilité avec laquelle on peut valoriser son travail via HAL et ORCID rend en grande partie caduque la proposition de valeur des réseaux sociaux académiques type Academia ou ResearchGate, ce qui me semble une très bonne chose. Cela relativise aussi l’importance du profil Google Scholar, ou du moins ça permet de l’alimenter quasiment en pilotage automatique.

Pour finir, une remarque plus personnelle : l’idée de saisir mes publications dans HAL et de les importer ensuite dans Zotero m’est venue très tardivement, parce que j’étais habitué à voir Zotero comme une interface de saisie, à corriger systématiquement les imports de données… Mais quand on collecte des données bibliographiques qu’on a soi-même créées, c’est différent ! Pas besoin de refaire dans Zotero ce qu’on a déjà fait dans HAL. Et ça libère du temps pour lire, écrire, discuter.

Références

Otlet, Paul. Traité de documentation. Le livre sur le livre. Éditions des maisons des sciences de l’homme associées, 2021 [1934]. 979-10-365-6640-0. https://books.openedition.org/emsha/482?format=toc.
Robert, Pascal. « Critique de la logique de la « gestionnarisation ». Au miroir du cas des universités ». Communication et organisation. 2014, n° 45, p. 209‑222. https://doi.org/10.4000/communicationorganisation.4587.